02/03/2014
Sur Joséphin Péladan
"Les émotions du livre, les émotions du Louvre, les émotions de Bayreuth, jusqu'à l'extase": tel fut le programme de Joséphin Péladan, dont la bibliographie spectaculaire propose parmi une centaine de titres une "éthopée" érotico-idéaliste en vingt-et-un romans, plusieurs tragédies sacrées, des traités de théocratie, d'ésotérisme chrétien, de stratégie amoureuse et même une "méthode pratique d'automagnification". Jamais, chez lui, rien de maîtrisé: toujours une marée de "spermatorrhées d'idéal" dont les pages disparates, de son propre aveu, ne tiennent au livre "que par le brochage"; mais jamais, non plus, un livre sans un chapitre d'une densité et d'un souffle réels, avec au fond un humour spécial, inattendu, la griffe de l'auteur laissée avec une grâce qui ressemble à du génie.
Léguant un pareil bagage à la postérité, il suscita des malentendus sans nombre. Les artistes le prirent pour un amateur ; les occultistes, pour un traître ; les écrivains, pour un sorcier. Examinant sa vie et, à grands traits, ses livres, la présente biographie entend dégager l'élément central, la cellule même des paradoxes de Péladan : ce mouvement dont il n'était pas le maître, dont nous suivrons ici les à-coups et les sinuosités, et qui le mena du saugrenu au subtil, du talent à l'intempérance, de l'oraison au calembour... Tableau digne d'intérêt, même saisissant, que celui d'un créateur véritable qu'un désordre intérieur précipita toute sa vie, à son corps défendant autant qu'"à coeur perdu", dans des situations dont le total finit par le compromettre tout à fait.
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