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27/11/2013

De la racaille

de la racaille,ainsi parla zarathoustra,friedrich nietzsche.

La vie est source de la joie ; mais où la racaille s'invite, toutes les sources sont empoisonnées.
Ma faveur est sur toute chose pure ; mais je n'aime pas voir les gueules grimaçantes des impurs, ni leur soif.
Ils ont jeté les yeux au fond des sources : à présent le reflet de leur sourire qui me répugne étincelle sur l'eau des sources.
Et ils ont empoisonné l'eau sacrée, avec leur lubricité ; et quand ils ont appelé joie leurs rêves obscènes ils ont empoisonné les mots aussi.
La flamme ne veut pas, s'ils déposent leur coeur humide sur le feu ; même l'esprit bouillonne et fume, partout où la racaille s'approche du feu.
Le fruit dans leur main devient douceâtre et plus-que-trop-mûr : quand leur regard se pose sur lui d'un coup l'arbre à fruits est prêt à tomber dans le vent et il se dessèche à la cime.
Et plus d'un qui s'est détourné de la vie ne s'est détourné que de la racaille : il n'a pas voulu partager la source, la flamme et le fruit avec la racaille.
Et plus d'un qui s'en est allé au désert souffrir de la soif avec les fauves, n'a simplement pas voulu s'asseoir autour de la citerne parmi les chameliers crasseux.
Et plus d'un qui est venu pour réduire à néant, comme un orage de grêle, s'abattant sur tous les vergers, n'a voulu que mettre son pied sur la gueule de la racaille et lui clouer le bec.
Et ce qui m'a le plus étouffé lorsqu'il m'a fallu l'avaler ce n'est pas de savoir qu'à la vie même sont nécessaires les ennemis, la mort et le martyre en croix :
Mais je me suis demandé un jour et ma question a manqué m'étrangler : comment ? est-ce que la vie aurait besoin de la racaille aussi ?
Est-ce que sont nécessaires les sources empoisonnées et les feux puants et les rêves obscènes et les larves dans le pain de la vie ?
Ce n'est pas ma haine, mais c'est mon dégoût qui me ronge la vie ! Hélas, souvent j'en ai eu assez de l'esprit - toutes les fois que j'ai trouvé la racaille elle-même pleine d'esprit ! (...)

 Ainsi parla Zarathoustra, Friedrich Nietzsche.

jf

"Pfftt… Le progrès ! Comme l'a dit Nietzsche, tout finira par la canaille."

21/11/2013

Vie mondaine

P1100960-mono50.jpegLa vie mondaine doit figurer parmi les causes possibles du surmènement. Non qu'elle exige nécessairement une dépense exagérée d'activité cérébrale; mais elle expose ceux qui la mènent à des sources multiples de fatigue. Bien ...qu'elle soit surtout à la portée des oisifs, elle laisse peu de temps pour les loisirs reposants du chez soi et pour les distractions calmes et réconfortantes du home. Il n'y a pas, a-t-on dit, de gens plus occupés que ceux qui ne font rien; cet aphorisme est plus vrai que ne porterait à le penser son apparence paradoxale. On n'aura pas de mal à s'en convaincre en se représentant ce qu'est l'existence, dans le milieu parisien surtout, des personnalités lancées, comme on les appelle dans l'argot courant. Le mondain, la mondaine surtout sont absorbés tout le jour par les exigences que leur imposent les conventions et le vain souci de leur réputation : les visites, les dîners, les bals, les soirées leur font une vie de continuelle contrainte et d'obligations sans répit. La mode, qui pour l'heure a introduit chez nous la tendance à copier les habitudes anglaises, et qui momentanément (car toute mode est passagère) a fait entrer dans les moeurs des gens select le goût des promenades au grand air et des exercices de sport dans la matinée, atténue, il faut le dire, dans une certaine mesure, les inconvénients sérieux d'un genre d'existence contraire à toutes les règles de l'hygiène. Elle les atténue, mais ne les supprime pas. Si l'on réfléchit aux conditions de la vie mondaine telle qu'elle se pratique chez nous (et M. Melchior de Vogüé a montré qu'à cet égard la Russie n'avait rien à nous envier), aux excitations de toute sortes dont elle est l'occasion, aux fatigues physiques qu'elle entraîne et qui résultent presque fatalement de l'habitude des repas trop longs et trop copieux, dans des salles souvent surchauffées, des longues veillées, de l'insuffisance du sommeil, au moins du sommeil pris aux heures régulières, on ne s'étonnera pas qu'elle soit fréquemment la cause du développement de l'asthénie nerveuse. On le comprendra d'autant mieux que cette existence toute artificielle et factice entraîne presque nécessairement à sa suite une sorte de surmenage moral qui résulte des efforts mesquins faits pour réaliser les fantaisies de la vanité, ou des vexations d'amour-propre qu'occasionne l'incomplète satisfaction des désirs les moins élevés et les moins nobles. Le souci du rôle utile que chacun peut remplir dans son milieu suivant ses aptitudes et ses facultés, n'est pas seulement un élément de moralisation, c'est à certains égards une condition de santé, et la neurasthénie est souvent la légitime mais regrettable rançon de l'inutilité, de la paresse, ou de la vanité.

 

Pr. Adrien Proust et Dr. Gilbert Ballet, L'Hygiène du Neurasthénique (Masson & Cie, Paris, 1897)

Lorsque le professeur Adrien Proust écrit L'Hygiène du neurasthénique, son fils Marcel a 26 ans.
 
jf

Publié dans Loisirs | Tags : adrien et marcel proust, tiqqun, jf | Lien permanent | Commentaires (0) | | |

12/11/2013

Bonne école

P1100847-mono25.jpegJe ne vois absolument pas comment on pourrait réparer le fait d'avoir négligé de suivre à temps une bonne école. L'homme qui est dans ce cas ne se connaît pas; il traverse la vie sans avoir appris à marcher; ses muscles relâchés se trahissent à chaque pas. Parfois la vie a la clémence de lui revaloir la dure école qui lui a manqué : une longue maladie exigera de lui pendant des années une énergie, une résignation extrêmes; ou bien quelque soudaine misère fondra sur lui, sur sa femme et sur ses enfants, exigeant de lui une activité qui rendra l'énergie aux fibres relâchées et la résistance au vouloir vivre. Ce qu'il y a de plus souhaitable, c'est, dans tous les cas, une discipline rude, quand il en est temps encore, c'est-à-dire à l'âge où l'on est fier de voir exiger beaucoup de soi. Car ce qui distingue la rude école entre toutes les bonnes écoles, c'est que les exigences y sont grandes, qu'elles y sont sévères; que le bien, l'exceptionnel même y sont exigés comme normaux; que la louange y est rare, l'indulgence inconnue, que le blâme y est cinglant, précis, ne tient compte ni de l'origine, ni du talent.

Friedrich Nietzsche - Ecrits posthumes

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